Pendant la période française, lors de l’attribution de concessions aux colons, il semblerait que M. François Philippe Duguermeur de Penhoët fut le premier à acquérir, le 16 janvier 1771, la propriété connue aujourd’hui sous le nom de Case Noyale. Il est probable que ce fut M. Duguermeur lui-même qui lui donna ce nom. En effet, en Bretagne d’où il était originaire, le terme « Noyale » peut signifier « terre récemment défrichée » ou une plantation de de noyers. Il existe, toujours en Bretagne, un village du nom de Noyale-sur-Villaine, réputé pour la fabrique d’un tissu de chanvre résistant appelé « noyale » qui était utilisé pour la fabrication de voiles
.
En dépit des connexions précitées, les légendes, quant à l’origine du nom ont abondé. Parmi elles, celle d’un soldat français à la retraite nommé Noyal, qui aurait acquis des terres à cet endroit. Il s’y serait établi et construit une maison, localement appelée « case ». Cet homme connu pour son sens de l’hospitalité, accueillait chez lui les visiteurs en route vers la Savanne. Cette histoire a été relayée par Walter Edward Hart, père du célèbre poète mauricien, Robert Edward Hart.
Une autre légende est attribuée à Pierre Marie Le Normand qui avait obtenu de nombreuses concessions à la Rivière Noire dont celle connue aujourd’hui sous le nom de Case Noyale. On a raconté que la qualité de son accueil aurait valu à sa demeure le nom de « Case Royale », qui aurait plus tard migré vers « Case Noyale ». Les renseignements trouvés dans le registre de concessions contredisent cependant cette version[1].
De toutes les hypothèses, la première est sans doute la plus probable, puisqu’elle tient compte de la réalité historique des concessions. Avec le temps, la signification de noms tels que Case Noyale et leur relation au pays d’origine peut s’être perdue et des associations erronées faites avec des mots ou noms plus communs. .
Pour faire suite à la concession vraisemblable à M. François Philippe Duguermeur de Penhoët en 1771, Case Noyale fut probablement acquis par M. Thomas Estienne Bolgerd, officier militaire et membre de l’Assemblée Coloniale. Bernardin de Saint Pierre fait mention de M. Estienne Bolgerd comme étant l’administrateur de Bel Ombre à l’époque où la concession appartenait à Simon de Réminiac, il fut aussi celui qui a arrêté Matthew Flinders[2] [3]. M. Estienne Bolgerd joua par la suite un rôle important dans le Sud, obtenant lui-même des concessions en divers endroits de la Savanne et de l’ouest, certaines à son nom et d’autres au nom de sa fille.
En 1824, Case Noyale devint la propriété de M Benoni Le Père de La Butte. La surface des terres était alors de 3 050 arpents, qui s’étendaient des montagnes à la mer. M. Le Père de La Butte fit construire une route entre Case Noyale et Chamarel et, avec l’aide de son beau-frère Théodule Cordé, un canal apportant l’eau de Chamarel fut construit. À sa mort en 1853, Case Noyale fut scindé en Grande et Petite Case Noyale avec la route qui va à Chamarel comme démarcation.
Au début du XXe siècle, une ligne téléphonique fut installée sur ordre de Thomi Pitot, représentant de Rivière Noire à l’Assemblée. Cette ligne téléphonique reliait Chamarel au reste de l’île via Case Noyale.
En 1935, Nemours Desvaux de Marigny acheta Case Noyale et réunit Petite et Grande Case Noyale. L’ensemble fut acquis par la Compagnie de Chamarel en 1951.Dix ans plus tard, cette grande propriété fut absorbée par la Compagnie Sucrière de Bel Ombre, qui y développera la culture de la canne sur ses pentes douces couvrant une surface approximative de 200 arpents. C’est à cette époque que Case Noyale devint le site de séchage et de torréfaction du Café de Chamarel.
Case Noyale est connu comme étant l’un des sites de culture du sisal, Furcraea foetida. Cette plante d’Amérique Centrale fut introduite à l’île Maurice au milieu du 18e siècle. Bien qu’elle ne soit pas originaire du pays, son utilisation intensive localement lui a valu l’appellation de « chanvre de Maurice ». Elle fut tout d’abord utilisée dans l’île pour la fabrication de cordes. Il en fut fabriqué à La Corderie du Roy à Port Louis, qui laissa son nom à l’actuelle rue La Corderie.
Case Noyale fut un des derniers sites où cette plante fut cultivée entre 1924 et 1956, et de nouveau entre 1970 et 1979. Un dispositif de raclage avec des lames attachées à une roue était utilisé pour peler les feuilles qui étaient placées à la main sur une table où se trouvait l’appareil. Il semblerait que cette technologie évolua peu dans le temps, n’améliorant pas la viabilité économique de la fabrication, jusqu’à ce qu’en 1879, le Gouverneur George Bowen propose une récompense de Rs 2 500 à celui qui inventerait une nouvelle technologie pour améliorer le processus de raclage. Ceci encouragea les innovations qui contribuèrent à la croissance de l’industrie.
Les fibres extraites de la plante servirent historiquement à la confection de sacs d’une contenance standard de 80 kilos de sucre qui étaient utilisés par toutes les plantations. A Bel Ombre, les sacs étaient stockés au Batelage avant d’être embarqués à bord des Côtiers qui les transportaient vers le Port Louis pour exportation. Ces sacs trouvaient la plupart du temps une nouvelle vie dans les maisons, servant de matelas, de paillassons ou pour le stockage de denrées de base telles qu’oignons et pommes de terre.
Entre la fin du 18e et le début du 20e siècle, le nombre de filatures augmenta de 20 à 100, ce qui justifiera l’ouverture d’une unité de fabrication de sacs en 1932. Les prix n’étant pas compétitifs avec les sacs importés d’Inde, cette production ne dura guère, l’usine ferma ses portes trois ans plus tard. La production fut relancée en 1941. Cependant, dans les années 50, l’Industrie sucrière commença à exporter le sucre en vrac, sonnant le glas de cette industrie qui fut la seconde en importance dans l’ile pendant 1 siècle[4].
[1] Jean-Pierre Lenoir, Bel Ombre, entre mer et montagne, Editions du Corsaire
[2] Auguste Toussaint, Le Domaine de Bénarès et les débuts du sure à Maurice
[3] Jean-Pierre Lenoir, Bel Ombre, entre mer et montagne, Editions du Corsaire
[4] Jean-Pierre Lenoir, Bel Ombre, entre mer et montagne, Editions du Corsaire